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Histoire de familles


Chacun d’entre nous a ses reliques et garde ses photographies de famille dans de vieilles boîtes poussiéreuses, des albums reliés, des coffres, des valises. Ces photos habitent le domaine intime de la maison, du garage, de l’ordinateur ou du téléphone portable. Parfois elles sont mises à l’honneur dans un cadre, et accrochées au mur. Elles nous entourent, nous tiennent chaud ou nous encombrent. Parfois elles s’incrustent à l’endroit où nous les avons posées négligemment et restent là des années. Elles sédimentent.

C’est sur cette idée que j’ai construit ce travail de résidence d’artiste, proposé par le Centre de Réadaptation et de Rééducation Fonctionnelles de Trestel (22) et la galerie L’Imagerie à Lannion. Durant plusieurs semaines, j’ai été accueillie chaleureusement par des patients de ce centre hospitalier pour recevoir ces trésors que sont les photographies d’une famille.

J’ai regardé et j’ai écouté.

Car l’image amène naturellement un récit. Celui de l’épopée des aïeux. Celui des trajectoires, parfois des drames de certains membres de la lignée.

Pour moi il y avait aussi la beauté des images. Les mises en scène, les visages et les poses, les émotions, les rires qui se dégageaient de ces photographies. Les cadrages, les accessoires, les vêtements. La qualité des gris, des papiers photos, la couleur des tirages.

Beaucoup de ces photographies étaient tirées en argentique et c’est tout naturellement que j’ai travaillé à la prise de vue et au tirage avec cette technique.

La photographie argentique est ma langue maternelle. J’aime puissamment son langage et ses outils. Ce processus de la lumière qui transforme les grains d’Argent de la pellicule pour produire une image latente, invisible en l’état. L’action des produits chimiques qui va révéler l’image pour faire apparaître une image en négatif. J’aime cette inquiétude toujours présente du développement du film, cette peur de rater l’ opération et de voir disparaître à jamais ce qui a été saisi. J’aime rêver sur le film qui sèche, tenter de voir si l’image pensée, vécue est bien là. Puis penchée sur le bac de révélateur regarder monter l’image. Voir enfin une infime part du réel s’inscrire et se fixer sur ce fragile morceau de papier humide.

J’ai eu un immense plaisir à retrouver les odeurs du laboratoire et 

son espace clos et solitaire.
Ce travail est un hommage à notre fragile humanité et aux liens que nous tissons ensemble.

Frédérique Aguillon, 31 mars 2020.

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